Bonjour et bienvenue cordiale à vous qui nous rejoignez pour ce temps de méditation.
Pour commencer avec la louange :
« Jubilez, criez de joie ! »
Les Suissesses et les Suisses aiment chanter. Il y aurait 42’000 pratiquants du chant choral dans notre pays… Hélàs, au mois de mars dernier, un lourd silence s’est installé subitement à la place des habituelles répétitions hebdomadaires.
Ces dernières semaines, peu-à-peu, plusieurs chorales ont repris les répétitions, mettant en œuvre des trésors d’ingéniosité et de prudence, afin de pratiquer le chant sans danger.
Dans nos cultes aussi, respecter les exigences sanitaires, nous oblige à chanter très « prudemment », voire à mi-voix ou carrément intérieurement. Quelle frustration !
Je pense souvent à cette expression célèbre attribuée à Saint-Augustin : « Chanter, c’est prier deux fois. »
Et je dédie le conte ci-dessous (écrit par Marie-Luce Dayer) à toutes et tous les amoureux-ses du chant, que ce soit en choeur ou en solitaire, classique ou moderne, au culte ou à la Salle de Musique, sous la douche ou au sommet de Pouillerel.
Conte : Le berger de la lande
Il était une fois un berger qui vivait dans la lande. Il y avait passé sa vie entière et ce qu’il connaissait du monde se limitait à ses buissons épineux, ses aulnes, ses sentiers sablonneux, ses brumes, ses soleils brûlants, ses froids mordants, ses ciels étoilés et ses lunes orangées.
Il ne savait ni lire ni écrire, mais il abritait au fond de son coeur un grand amour. Pour son Dieu tout d’abord, créateur de toute beauté et de toute bonté, puis pour ses agneaux, pour ses mères brebis et pour ses moutons. Comme il ne parlait le plus souvent qu’à ses bêtes, il s’exprimait parcimonieusement et son vocabulaire était très limité. Il possédait cependant un don merveilleux. Il savait chanter et la nature l’avait gratifié d’une voix magnifique. Comme la lande était toujours déserte, il donnait libre cours à la puissance de ses cordes vocales. Si son chant était simple, il était porteur de tant d’émotion qu’il en devenait beau.
« Si je te rencontrais sur la lande un jour de pluie,
je t’offrirais mon manteau et mon chapeau
parce que je t’aime.
Si je te rencontrais sur la lande un jour de soleil,
je t’offrirais du lait de mes brebis
parce que je t’aime.
Si je te rencontrais sur la lande à l’heure de midi,
je t’offrirais mon pain et mon vin
parce que je t’aime. »
Ainsi chantait le berger de la lande. A toutes les heures du jour et de la nuit.
Un dimanche matin, un chanoine de l’abbaye, en retard pour un service divin dans un village voisin, décida de couper à travers la lande afin de gagner un peu de temps. Tout en marchant, il entendit une voix clamer un chant qui lui parut étrange. S’approchant d’un bosquet, il vit, assis au milieu de ses agneaux, un vieil homme qui lui sembla comme « illuminé ».
– Que fais-tu ? lui demanda-t-il.
– Je prie, répondit l’homme.
– Tu pries ? Mais comment pries-tu ?
Alors le berger recommença son chant.
– Tu oses appeler ça prier, sermonna le chanoine. Ne sais-tu pas que Dieu a tout créé, que tout lui appartient et que ton manteau, ton chapeau, ton lait, ton pain et ton vin sont une injure à sa grandeur. Comment peux-tu imaginer qu’il ait besoin de ça !
Je suis très pressé, car je suis en retard, mais je vais néanmoins te sacrifier quelques minutes pour t’apprendre à prier.
– Le matin, en te levant, tu diras…
Et il récita une prière que le berger ravi répéta comme dans un rêve, car les mots qui s’égrenaient dans sa bouche étaient pure musique.
– A midi, tu diras…
Et il récita une autre prière tout aussi belle que la première.
– Et le soir, avant de dormir, tu diras…
Les mots du soir étaient encore plus beaux que ceux du matin et du midi. Ils étaient comme enveloppés de douceur. Le berger en eut les larmes aux yeux.
– Tu as bien compris ? reprit le chanoine.
– Oui… oui… chuchota le vieil homme. Merci.
Et l’homme d’Eglise reprit son chemin en grande hâte.
Le berger était au septième ciel. Il se mit à attendre le jour suivant afin de pouvoir commencer à prier.
Ce soir-là, il s’endormit dans la joie la plus parfaite. Demain, il dirait toutes ces phrases sublimes qu’il avait apprises. Mais le lendemain matin, à son grand chagrin, il réalisa qu’il les avait oubliées. A midi, ce fut pareil… et le soir aussi…
Il se mit alors à pleurer, se sentit misérable, pauvre, limité. Où étaient les beaux mots qui lui auraient permis de prier ? Loin… partis… envolés. Il ne savait plus rien.
Il n’osa plus chanter. Et la lande demeura silencieuse. Et le berger s’enfonça dans une grande tristesse.
Dans son ciel, Dieu s’aperçut très vite qu’il manquait quelque chose à la lande. Il envoya un de ses anges pour voir ce qui se passait. En réalité, le chant du berger lui manquait.
L’ange trouva le vieil homme muet et triste.
– Pourquoi ne pries-tu plus ? lui demanda-t-il.
– Parce que je ne sais pas prier. Le chanoine a bien essayé de m’apprendre, mais je suis trop bête… J’ai tout oublié.
L’ange alors conduisit le berger jusqu’aux portes du ciel.
– Ecoute, lui dit-il.
Et le berger, ébahi, entendit soudain le choeur des anges qui chantait son chant : « Si je te rencontrais sur la lande…. »
Tout y était : le manteau, le chapeau, le lait, le pain et le vin.
– Oh, murmura le berger… c’est pas croyable !
– Tu vois, reprit l’ange, ta prière est belle. Elle a été adoptée par le choeur céleste !
Et il ramena le berger dans la lande.
Dès ce jour-là, le vieil homme se remit à chanter. Peu-à-peu, il devint musique… il devint prière.
Et depuis, rien ni personne ne le détourna plus de son destin.
Marie-Luce Dayer, Le berger de la lande, in Des cercles et des étoiles, Editions Ouverture, 2004.
Bonne journée à chacun-e !
Qu’elle soit harmonieuse…
Et que le Seigneur vous bénisse et vous garde dans la Paix.
Amen.
Si ça vous chante…
Une célèbre « leçon » de chant avec Whoopi Goldberg :
Ces chansons qui ont changé le monde :
https://photo.caminteresse.fr/ces-chansons-qui-ont-change-le-monde-39530
Francine Cuche Fuchs, pasteure