Pour commencer
« La Prière », « The Prayer » interprété par Danilo et Barbara van Woerden depuis la petite église de Granges-Marnand.
Lecture biblique
« Tu dresses une table devant moi, en face de mes adversaires;
tu verses de l’huile sur ma tête et tu fais déborder ma coupe.» Psaume 23:5
Nous sommes tous différents et chacun fait face aux diverses épreuves, au stress, à sa façon. Ce qui convient à l’un, ne convient pas forcément à l’autre. A nous de repérer au fil de nos expériences, ce qui nous aide le mieux à traverser la crise. L’un préfère rester seul à bricoler, l’autre trouve très réconfortant d’être « entouré » virtuellement en train de « communier » avec un apéro/skype. Mais tous , nous pouvons faire appel à nos propres ressources, des ressources parfois insoupçonnés.
Dans le psaume 23, après avoir cheminé au côté de l’Éternel présenté sous les traits du Bon berger, qui nous fait reposer dans des verts pâturages et qui nous aide à traverser la sombre vallée de la mort, l’Eternel se présente maintenant sous les traits d’un hôte bienveillant qui accueille le psalmiste/ le pèlerin à sa table comme un invité de marque.
C’est Lui qui nous invite à sa table, lieu de communion par excellence. « Tu verses de l’huile sur ma tête et Tu fais déborder ma coupe. » Huile bienfaisante, apaisante, image de l’Esprit qui nous ait donné, image de la présence de Dieu dans sa plénitude.
Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec ce qui se passe actuellement à l’hôpital Nord Franche-Comté en soutien aux personnels soignants. Chaque jour, des dons de nourriture arrivent. Cela va du boulanger à de grandes enseignes. Un restaurateur a livré mercredi un couscous pour quelques 70 personnes qui faisaient des services de garde cette nuit-là. « Cela met du baume au coeur » témoigne un interne qui dort sur place. La nourriture n’a plus juste une fonction d’alimenter mais elle redonne des forces, physiques et spirituelles. Elle relie les personnes : « nous sommes en train de redécouvrir que les comportements collectifs nous protègent des vulnérabilités individuelles.» Cynthia Fleuri, philosophe. A cette table de la fraternité à la plénitude de Dieu, nous sommes tous conviés ; tous nous sommes en chemin vers un monde nouveau. Pour quel Après ?
Vy Tirman
Voici un très beau texte posté par un prêtre de Bordeaux, Pierre Alain Lejeune. Pour que notre aujourd’hui nourrisse notre Après.
APRES…
Et tout s’est arrêté…
Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après?
Après ?
Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.
Après ?
Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.
Après ?
Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.
Après ?
Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.
Après ?
Nous déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à goûter. Et nous appellerons cela la patience.
Après ?
Nous pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les courses où amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la fraternité.
Après ?
Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous appellerons cela la justice.
Après ?
Nous nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.
Après ?
Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons Dieu.
Après ?
Après ce sera différent d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car il n’y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au cœur de l’épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe pas de mot.
Que la Grâce de Dieu vous garde dans sa paix et vous inspire tout au long de cette journée !