« C’est mon dernier mot ! ». Sept paroles pour dire adieu.
1. Accueil
Bienvenue à toi qui nous rejoins pour un moment méditatif, loin du bruit et de l’agitation. Il est arrivé le temps de prendre congé de la paroisse et de poursuivre mon chemin sous d’autres cieux. Ce sera donc ma dernière intervention sur cette page.
Consacrons ce début de journée à notre Père plein d’amour.
Photo Christine Phébade Yana Bekima
2. Prière pour ce matin
« Brille en moi, Seigneur, que je rayonne de toi comme le jour,
Illuminé, je chanterai ta gloire en étant émerveillé ;
Que le matin me réveille pour la louange de ta divinité,
Afin que je m’applique à la contemplation de ta parole tout le long du jour » (1)
Chant
« Notre Père » de Jubilate Pop louange
Nous sommes à la veille de la Pâque…
Avec le Christ, nous allons monter dans la chambre haute, prendre le dernier repas, prier au jardin. Nous serons témoins de son arrestation, de son procès, du chant du coq et enfin de son calvaire.
Au pied de la croix, les entendrons-nous les dernières paroles de Jésus ?
Des paroles de souffrance et de solitude, des paroles de pardon et d’apaisement, des paroles de consolation, des paroles de salut et d’espérance.
Sur le chemin qui le conduit à la mort, Jésus nous emmène vers la rédemption et la guérison.
Moi aussi, je suis à la veille d’un départ, reconnaissante d’avoir eu un temps pour dire au revoir lors du culte des Rameaux. Merci à toute la communauté pour ce temps de prise de congé, d’échange de paroles de bénédiction, de souvenirs, de vœux. Je peux poursuivre ma route le cœur en paix.
3. Lecture biblique
1ère parole : Luc 23, 24
Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
2ème parole : Luc 23, 43
Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.
3ème parole : Jean 19, 26-27
Jésus vit sa mère et, près d’elle, le disciple qu’il aimait. Il dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère ».
4ème parole : Matthieu 27, 46
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
5ème parole : Jean 19, 28
J’ai soif.
6ème parole : Jean 19, 30
Tout est accompli.
7ème parole : Luc 23, 46
Père, je remets mon esprit entre tes mains
Chant
Chant monastique orthodoxe pour le Carême et Pâques
4. Méditation :
Pour cette méditation, je me suis inspirée du dernier livre de la psychologue Marie de Hennezel, « L’Adieu interdit ».
Souvenez-vous, il y a une année, nous étions au début d’une pandémie que personne n’avait anticipé.
Du jour au lendemain, tout ce qui rythmait notre vie s’est arrêté. Notre système de santé a été vite saturé et les mesures sanitaires drastiques ont eu un effet désastreux sur la santé physique mais aussi mentale des personnes fragiles, des aînés, des malades et des soignants.
Dans l’histoire de l’humanité, il est rare que des décisions politiques et sanitaires empêchent un être humain d’accompagner un proche mourant dans les derniers instants de sa vie ; rare aussi que l’on interdise de constater la mort, de voir le visage du défunt, de lui rendre hommage et d’assister à ses funérailles (2)
Selon le psychiatre Boris Cyrulnick, dans une interview sur France inter, la privation du rituel du deuil provoquera des angoisses et de la culpabilité pour les années à venir car « on n’a pas le droit d’être heureux quand on a laissé un parent mourir tout seul ».
Quel gâchis ! La peur du virus a pris le dessus sur l’humain et a privé des millions de personnes en fin de vie de visites, de paroles de réconfort, de gestes de tendresse, d’accompagnement.
Marie de Hennezel s’étonne de la docilité dont nous avons fait preuve au début du confinement, acceptant les interdictions de dernière visite au mourant, de funérailles en familles.
La précipitation à enterrer les corps a privé les proches d’un processus important du deuil. Cela aura eu le mérite de nous rappeler combien le rite funéraire est « un des fondamentaux de notre humanité ».
La psychiatrie actuelle démontre que le temps des adieux est un temps privilégié pour boucler la relation avec celle ou celui qui va partir.
Le psychanalyste Michel de M’Uzan, dans l’Art de la mort, a constaté que le mourant fait preuve d’un grand besoin de relation au moment du départ, ce qu’il nomme « Le travail du trépas ».
« Il s’agit d’aller au bout de sa relation avec autrui, de déposer quelque chose de soi chez celui qui l’accompagne ». Par un geste, un regard, une bénédiction, un pardon parfois, les dernières paroles sont irremplaçables.
Parce que le mourant n’est pas abandonné, il peut s’abandonner avec confiance au mystère de la mort.
Alors que nous sommes à la veille du Vendredi Saint, les sept paroles de Jésus mourant prennent un sens particulier dans le contexte pandémique.
Arrêtons-nous sur la troisième parole, en Jean 19,27 : « Femme, voici ton fils. Puis il dit au disciple, voici ta mère ».
Au pied de la croix, il y a Marie, présence aimante d’une mère qui assiste au calvaire de son fils et recueille ses derniers mots.
Jésus se sait aimé et accompagné par celle qui lui a donné la vie et qui est là jusqu’au bout de sa vie. Il n’oublie pas cette maman qu’il aime, lui aussi. Il la confie à celui que l’Evangile appelle le disciple bien-aimé.
Par ce dernier échange verbal, Jésus permet à Marie de faire son deuil, de poursuivre le cours de sa vie en sécurité.
De ce moment de douloureuse séparation, va éclore une nouvelle famille, préfiguration de l’Eglise naissante, dans laquelle chacun-e a sa place sans distinction aucune.
Jésus,
Aujourd’hui, Tu me permets de faire partie de ta famille.
A la croix, par amour, tu t’es donné pour que je puisse entrer dans la famille de Dieu, et être appelé-e son enfant.
Chaque jour, Tu veilles sur moi, Tu prends soin de moi comme tu as pris soin de Marie, ta mère.
Bénédiction
Le prophète Jérémie nous dit : « Je changerai leur deuil en allégresse, et je les consolerai ; Je leur donnerai de la joie après leurs chagrins ». (Jér. 31, 13)
Toi qui as connu le chagrin de la séparation, sois béni-e et fortifié-e.
Toi qui as été privé-e des dernières paroles d’une personne aimée, sois réconforté-e par les paroles du Christ.
Toi qui te sens seul-e, Dieu t’appelle « Mon enfant » et te donne une famille.
Que tes larmes se changent en joie.
Que la lumière du matin de Pâques inonde ta maison.
Amen.
Morceau final
Les 7 paroles du Christ en croix, oratorio de Joseph Haydn,
« Femme,voici ton fils »
Christine Phébade Yana Bekima
Notes
1. La prière maronite, Antoine Fleyel, « composition poétique attribuée à Saint Ephrem dans la liturgie maronite (Liban) », p.16.
2. L’adieu interdit, Marie de Hennezel, « La peur a eu raison de l’humain », p.16
Bibliographie
La prière maronite, Antoine Fleyel, Ed. Salvator, Paris, 2020
L’adieu interdit, Marie de Hennnezel, Ed. Plon, Paris, 2020
Les sept paroles du Christ, Timothy Radcliff, Ed Points vivre, 2016